samedi 9 juillet 2011

A tous ceux qui aspirent diriger l’Afrique

Ces sages d'Afrique qui désavouent le leadership actuel

Par Erika Cologon Hajaji

08/07/2011

Aucun lauréat cette année pour un grand prix dédié à un leader africain modèle. D'Annan à Tutu, sans oublier Obama, des voix respectées osent dire la vérité aux chefs d'Etat.

Parce que nous aimons laver le linge sale en famille, chez nous, je vous renvoie à un proverbe nubian qui rappelle, littéralement, que "le vieux lion n'aime pas crier; il avertit par son regard". Je ne donnerai donc pas les noms des notables recalés, pour ne pas dire humiliés. Juste le sens, selon moi, de ce qui s'est passé...

Qu'est-ce qui s'est passé? Vous avez sans doute entendu parler de cette Fondation Mo Ibrahim qui ne décerne à personne, cette année, son prestigieux Prix annuel pour la bonne gouvernance. Cette institution qui porte le nom de son initiateur, un milliardaire soudanais des télécoms, octroie chaque année depuis 2006 près de 5 millions de dollars à un ancien chef d'Etat africain -et un "salaire" annuel à vie- qui a réussi une alternance politique au cours des 3 années précédant la remise du prix. Elle publie régulièrement son "indice de bonne gouvernance en Afrique", par ailleurs.

Sans entrer dans les détails et les critères de cette récompense, la non-remise du prix cette année veut dire, concrètement, qu'aucune alternance politique n'a été exemplaire ces 3 dernières années!

Si la honte tuait, donc, nos gouvernants devraient se ruer dans les confessionnels. Le désaveu vient du plus sérieux cadre africain de notation de la démocratie. Si l'équipe chargée de sélectionner le méritant s'est résignée à dire: "nous n'avons trouvé personne", c'est que la situation est grave.

Car les membres du jury sont loin d'être des habitués des coups bruyants: Koffi Annan, l'ex-secrétaire général des Nations Unies, la charismatique épouse de Mandela, Grâça Machela, ou encore un ancien patron très écouté de l'actuelle Commission Africaine, le Tasmanien Ahmed Ahmed Salim et l'Egyptien Mohamed ElBaradei, ancien de l'agence internationale de l'énergie atomique.

On peut citer aussi, pour confirmer la stature internationale de cette récompense, les noms de Martti Ahtisaari et Mary Robinson, respectivement anciennes présidentes de la Finlande et de l'Irlande. Des personnalités qui ne manquent pas d'écoute et de patience, sauf que là, ils n'ont trouvé personne qui mérite le prix, parmi les candidats...

Desmond Tutu, Barack Obama, les précédents désaveux. L'Afrique des dirigeants avait récemment reçu une gifle exemplaire de la part des "vieux" du continent; et pire, de l'un des ses enfants les plus célébrés. Barack Obama n'a pas en réalité été tendre lors de sa dernière venue sur le continent. Le désaveu le plus cinglant est allé directement au propre pays de son père, le Kenya, alors même que toute la population l'adore comme un dieu depuis qu'il est devenu sénateur de l'Illinois.

Quand, depuis le Ghana, le président américain a retracé l'histoire de son papa, un brave homme qui ne voulait qu'avancer avant d'être broyé par le tribalisme et la corruption -des maux qui nourrissent toujours l'élite, l'admonestation a fait trembler les palais de Nairobi. La presse locale rapporte jusqu'aujourd'hui cette honte qui étrangle encore les dirigeants, toutes tendances confondues.

A l'UA, on regrette la carrure de Konaré. Les exemples se multiplient où des voix écoutées se disent déçues par le leadership actuel du continent. Il est vrai, nous n'aimons pas "dire des choses comme ça" en public, chez nous, pour ne pas "se jeter sur les dents des moqueurs". Les "bazee", ces vieux sages, répondent traditionnellement ainsi lorsqu'on leur demande leur avis sur tel ou tel notable.

Mais trop, c'est trop apparemment. J'ai assisté, il n'y a pas longtemps, à une conférence publique lors de laquelle le leader résistant et prix Nobel Desmond Tutu a littéralement éclaté de colère en dénonçant "la trahison", l'amateurisme et le "populisme médiocre" de certains leaders de l'ANC- son ancien parti, celui de Mandela et de Steeve Biko...

Un autre exemple, et la liste serait longue: dans les couloirs de la Commission Africaine de l'UA, de plus en plus d'anciens regrettent la carrure d'un Alpha Oumar Konaré (ancien président malien, puis de la Commission Africaine) aujourd'hui remplacé par un ancien ministre d'Omar Bongo à la tête de l'organisation panafricaine. A bientôt

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